GenAmi 

  Nous contacter
  English
L'association de la généalogie juive 
Facebook




Une bien belle époque

Par Gérard XAVIER

La fin d’une « belle époque »

La « Belle Epoque » est liée intrinsèquement à la IIIe République, marquée, entre autres, par une forte identité démocratique, les lois sur l’instruction et la laïcité, les droits de grève et d’association. Fin 1877, à l’issue de la « crise du 16 mai », un régime parlementaire est mis en place sous l’impulsion de Léon Gambetta, regroupant en une Assemblée Nationale sénateurs et députés et réduisant considérablement les pouvoirs du président de la République. Les reproches concernant les faiblesses de l’exécutif ne seront pas dus à l’effacement du président, mais au défaut d’une majorité suffisante et stable. Pourtant, la IIIe République saura rester fidèle au scrutin uninominal, évitant ainsi le fractionnement de la représentation nationale.

Une France en retard…

A la fin du XIXe siècle, la population française est en déclin. Certaines années, le nombre des naissances est inférieur à celui des décès. Si le terme de « dépopulation » peut paraître exagéré, on peut au-moins parler de quasi stagnation. Et l’on doit considérer que le faible accroissement noté entre 1891 et 1911 est lié en bonne partie à l’immigration. On notera aussi la disparité de la natalité entre des départements où elle est très faible, comme la Seine, les Bouches-du-Rhône ou l’Eure, et d’autres où elle est particulièrement développée, comme en Lozère, en Corse, dans le Finistère ou le Pas-de-Calais. Les principales explications sont liées à une polarité ville-campagne et à la pratique ou non de la religion catholique.

Jusqu’en 1906, la France accuse aussi des faiblesses sur le plan économique. Elle se trouve derrière les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Une population rurale trop importante et trop peu de matières premières en sont des causes tangibles. Mais, dès 1907, sa croissance s’accélère pour atteindre son apogée à la veille de la Première Guerre mondiale. Cela est dû, en partie, à une évolution de la production industrielle dans les domaines de la sidérurgie, de l’électricité et de l’automobile, ainsi qu’à une forte progression des investissements dans le bâtiment et les travaux publics pour faire face à l’exode rural vers les villes, mais aussi à quatre décennies de paix. Pourtant, on constate de grandes disparités entre un nord-est très industrialisé et un sud-ouest encore largement rural. Et on note que c’est dans les départements du Bassin parisien que s’accumule le plus de richesses.

… mais qui reste une grande puissance

Bien qu’amputée des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, la France demeure parmi les grands, grâce principalement à l’étendue de son empire colonial, à la richesse accumulée de sa population, à son potentiel militaire de premier plan et à une diplomatie active. Un compromis tacite entre bourgeois, paysans et ouvriers assure une légitimité républicaine.

Des lois fondamentales sont promulguées. Dès 1880, les filles ont accès à l’enseignement secondaire, six mois avant que l’enseignement primaire devienne gratuit et quinze mois avant que l’enseignement soit rendu public, laïc et obligatoire.

En juillet 1881, une loi assure la liberté de la presse. Et, à partir de 1884, la création des syndicats est devenue possible. Les premiers sont liés au monde agricole.

La loi de Séparation des Eglises et de l'Etat est votée en 1905, quatre années après celle sur les Associations, dont le but principal était de mieux contrôler l’activité des congrégations religieuses.

En 1906, Georges Clémenceau, devenu président du Conseil, crée le ministère du Travail. Néanmoins, la multiplication de grèves de plus en plus violentes l’amènera à durcir sa position.


Portrait de Georges Clémenceau par Nadar

Malgré les avancées, les femmes restent juridiquement mineures, les missions qu’on leur attribue étant avant tout d’être de bonnes épouses et de bonnes mères. Et lorsqu’elles travaillent, leur salaire est toujours inférieur à celui des hommes. Pire : jusqu’en 1907, elles ne sont pas autorisées à toucher directement leur salaire ni à en disposer sans le consentement de leur mari. Des améliorations commenceront néanmoins à apparaître, comme la loi de 1909 instituant un congé de maternité de huit semaines sans rupture du contrat de travail. Et la condition de la femme s’améliore peu à peu grâce au combat des féministes, comme Sarah Monod, Marguerite Durand ou Madeleine Pelletier. Elles revendiquent une véritable émancipation et la reconnaissance de droits fondamentaux, comme le droit à l’avortement ou le libre accès à des carrières jusqu’alors réservées aux hommes.

Sarah Monod Marguerite Durand Madeleine Pelletier

Au niveau de la santé, le taux de mortalité baisse de manière continue entre 1872 et 1913. Cela s’explique principalement par la réduction de la mortalité infantile et celle des jeunes enfants, les progrès de l’hygiène et de l’asepsie dont bénéficient les femmes au moment de l’accouchement, les avancées spectaculaires dans les domaines de l’immunologie et de la microbiologie suite aux découvertes de savants comme Louis Pasteur, Robert Koch ou Paul Ehrlich, ainsi que l’augmentation du nombre de médecins sur le territoire national. En 1902, une loi sur l’hygiène publique synthétise une série de mesures propres à limiter la propagation des germes pathogènes. En 1905, elle est complétée par le contrôle bactériologique de l’industrie alimentaire.

Des lectures pour tous

Au début du XXe siècle, la population française est largement alphabétisée, ce qui représente un marché potentiel considérable pour l’industrie du livre. En 1904, les Editions Arthème Fayard lancent une collection de romans illustrée à 95 centimes ; Flammarion devient l’un des plus importants éditeurs nationaux ; de nouvelles maisons sont créées, comme Grasset ou la NRF. Le « livre populaire » apparaît en 1905, au prix de 65 centimes. Les lecteurs se délectent des aventures d’Arsène Lupin, de Maurice Leblanc, et celles de Chéri-Bibi, de Gaston Leroux, qui offre aussi au public Le mystère de la chambre jaune.

Des revues se multiplient, comme La Vie ouvrière, fondée par Pierre Monatte, Les Cahiers de la Quinzaine, de Charles Péguy, ou La Revue blanche des frères Natanson, qui y publient, entre autres, Alfred Jarry, Léon Blum et Paul Claudel tout en bénéficiant d’illustrations de Toulouse-Lautrec, Félix Vallotton ou Pierre Bonnard.


Illustration de Toulouse-Lautrec

pour La Revue blanche

Mais, ce sont les journaux qui ont le plus de succès. Certains font partie de la presse populaire, comme Le Petit Journal, Le Petit Parisien ou Le Matin. D’autres sont réservés à « la bonne société », comme L’Echo de Paris ou Le Temps. Et puis, il y a la presse militante, où l’on trouve L’Intransigeant d’Henri Rochefort, L’Humanité de Jean Jaurès, L’Aurore d’Ernest Vaughan, la très antisémite Libre Parole d’Edouard Drumont, Le Gaulois, dirigé par Arthur Meyer, ou L’Assiette au beurre, la célèbre revue anarchiste fondée et dirigée par Samuel-Sigismond Schwarz.



Certains écrivains, dans les pas de Maurice Barrès, d’Henry Bordeaux, de Paul Bourget ou de René Bazin, sont les défenseurs de la tradition et du nationalisme, souvent aussi de la religion catholique. D’autres, comme Pierre Loti, ressentent une certaine nostalgie du passé. D’autres encore, comme Valery Larbaud, André Gide, Julien Benda, Octave Mirbeau, André Suarès, Jules Renard, Tristan Bernard ou Marcel Proust, sont les tenants de la modernité ou, en tous les cas, d’une nouvelle littérature. On trouve aussi des poètes de premier plan, parmi lesquels Blaise Cendrars, Marie Krysinska ou Guillaume Apollinaire.

Une culture en pleine effervescence

Le théâtre est servi par de grands maîtres, certains déjà connus au début du siècle comme Alfred Capus, Georges Courteline, Georges Feydeau ou Edmond Rostand, et des nouveaux qui s’imposent avant 1914 : Henri Bataille, Sacha Guitry ou Henri Bernstein, pour n’en citer que quelques uns.

Les Beaux-Arts ne sont pas en reste ! Dans les presque 15 années inaugurées par l’Exposition universelle de 1900 à Paris, on assiste à une véritable explosion artistique dans tous les domaines : en peinture, Paul Cézanne, Claude Monet, Pablo Picasso, Georges Braque ou Henri Matisse ; en sculpture, Auguste Rodin, Aristide Maillol, Camille Claudel ; en musique, Claude Debussy, Erik Satie, Maurice Ravel, Camille Saint-Saëns. L’Art nouveau, aussi appelé « Modern style », est porté par ses ambassadeurs : le français Hector Guimard, le belge Victor Horta et le catalan Antoni Gaudi.

La mode féminine, débarrassée des corsets, est sous la coupe de Paul Poiret, Jean-Philippe et Gaston Worth, Jeanne Paquin et Mariano Fortuny.

Tristan Bernard André Suarès Julien Benda Henri Bernstein

Nouvelles technologies, nouveaux défis

C’est l’époque de la foi dans le progrès. Des cathédrales de verre et de métal sont construites pour l’offrir à tous les regards, comme le Grand Palais ou le Palais des machines. Le premier phonographe date de 1877, le téléphone est exploité commercialement en France dès 1879 et l’ampoule électrique à incandescence est créée par Thomas Edison la même année. Le premier ballon dirigeable manœuvrable voit le jour en 1884, la tour Eiffel est construite pour l’Exposition universelle de 1889, le moteur Diesel date de 1893. Auguste et Louis Lumière déposent le brevet du cinématographe en février 1895, la gare d’Orsay est mise en service en mai 1900 et le métropolitain deux mois plus tard. L’aspirateur motorisé naît en 1901, la Bakélite est découverte en 1907 et la cellophane est inventée un an après.

L’aventure automobile commence en France en 1873 et se développe rapidement. La première voiture, qui est à vapeur, dispose de 12 places et atteint les 40km/h. C’est L’Obéissante d’Amédée Bollée. Le premier sous-marin opérationnel est construit en 1887 par les français Henri Dupuy de Lôme et Gustave Zédé. Le premier vol en planeur est effectué par Otto Lilienthal en 1891. Mais, les premiers vols motorisés contrôlés sont le fait d’Orville et Wilbur Wright en 1903. Enfin, le chemin de fer connaît un très grand développement entre 1870 et 1914.

La progression des sciences

D’importantes découvertes scientifiques sont réalisées durant cette même période. Jean-Marie Charcot met au point le traitement de l’hystérie par l’hypnose en 1882. Sigmun Freud, après avoir collaboré avec lui, puis mené des études sur l’hypnose et l’hystérie avec son ami Joseph Breuer, présente en 1896 ses travaux sur la cure psychanalytique. Il parle ouvertement de la psychanalyse à partir de 1904, publiant de nombreux articles et ouvrages de référence. Il fonde en 1908, avec ses disciples, la Société psychanalytique de Vienne, à laquelle Carl Gustav Jung adhèrera, et publie Totem und Tabu en 1913.

Louis Pasteur vaccine avec succès un enfant contre la rage en 1885. Emile Roux crée le vaccin antidiphtérique en 1888. Si la vaccination contre la variole est imposée à différentes catégories de la population à partir de 1874, la loi sur la protection de la santé publique de février 1902 la rend obligatoire pour tous les enfants dès leur première année. En 1909, Charles Nicolle découvre à l’Institut Pasteur de Tunis ce qui sera la première étape du développement du vaccin contre le typhus.

Les découvertes d’Ernest Rutherford le font considérer comme le père de la physique nucléaire et il reçoit le prix Nobel de chimie en 1908. Max Planck présente en 1900 sa théorie des quanta, qu’Albert Einstein va approfondir avant de présenter sa propre théorie de la relativité restreinte en 1905. Les travaux de Pierre et Marie Curie, ainsi que d’Henri Becquerel sur les radiations sont couronnés par le prix Nobel de physique en 1903. Et Marie Curie reçoit le prix Nobel de chimie en 1911 pour ses recherches sur le polonium et le radium.

A la fin du XIXe siècle, la sociologie apparaît en France avec Gabriel Tarde, René Worms et Emile Durkheim et elle s’émancipe de l’anthropologie naturaliste, qui a dominé les sciences sociales pendant les années 1870. Les premiers sociologues s’opposent au biologisme dominant en montrant la part du social dans les conduites humaines. A partir de 1905, l’ethnographie se développe et deux nouvelles sociétés savantes apparaissent : l’Institut ethnographique international de Paris, créé en 1910 par Arnold Van Gennep et Maurice Delafosse, et l’Institut français d’anthropologie, créé en 1911 par Salomon Reinach et les fondateurs de la revue L’Anthropologie.

Louis Pasteur Marie Curie Sigmund Freud Albert Einstein Emile Durkheim Ernest Rutherford

Sources :

Illustrations : Internet

"La dernière valse de l'empereur", de Florian Huber (ARTE)

"La Belle Epoque : la France de 1900 à 1914", de Michel Winock (Ed. Perrin, 2002 et 2003)

www.assemblee-nationale.fr

www.larousse.fr/encyclopedie/divers/III_e_République

www.persee.fr