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La fin d’une « belle époque »

Par Gérard XAVIER

Une bien belle époque

La IIIe République a offert à la France quatre décennies de paix après la défaite de 1870. Les arts, les sciences, les technologies connaissent un essor extraordinaire. Le pays, à partir de 1907, voit sa croissance s’accélérer et son taux de mortalité se restreindre. Il possède un immense empire colonial sur plusieurs continents et sa diplomatie est réputée et respectée.

Mais, la démocratie se sera heurtée à de nombreux écueils et de nombreux combats internes auront été déclenchés par le nationalisme, le racisme et l’antisémitisme.

L’Affaire Dreyfus

Si la IIIe République a connu plusieurs crises graves, comme le Scandale des décorations en 1887, le Scandale de Panama en 1892 ou l’Affaire des Fiches en 1904, la plus importante aura été, sans nul doute, l’Affaire Dreyfus. La France s’est retrouvée divisée entre dreyfusards et antidreyfusards pendant près de 15 ans !

Le 15 octobre 1894, le capitaine Alfred Dreyfus est arrêté, accusé d'avoir livré des renseignements militaires confidentiels à l'Allemagne. Un dossier composé de faux documents est constitué sur les ordres du général Mercier. Le 22 décembre, à l'issue d'un procès à huis clos, reconnu coupable de haute trahison, Dreyfus est condamné au bagne à perpétuité et à la dégradation. Le 21 janvier 1895, il est déporté à l'île du Diable, en Guyane. Dès le mois suivant, son frère fait appel au journaliste et écrivain anarchiste Bernard Lazare, qui avait dénoncé l'antisémitisme au moment de l'arrestation du capitaine. En juillet, le lieutenant-colonel Marie-Georges Picquart est nommé à la tête du service de renseignements du ministère de la Guerre et chargé de poursuivre l'enquête sur Alfred Dreyfus. Quelques mois plus tard, il découvre que le véritable traître est le commandant Walsin Esterhazy. Il informe très rapidement sa hiérarchie et conseille la révision du procès. Non seulement il n'est pas écouté, mais il sera envoyé dans des missions dangereuses avant d'être lui-même accusé de trahison et incarcéré.

Le 13 janvier 1898, Emile Zola publie dans L'Aurore une lettre au président Félix Faure sous le titre : "J'accuse !..." Il sera jugé et condamné peu après. Le lendemain paraît dans L'Aurore et Le Siècle la première pétition des intellectuels qui exigent la révision du procès et la fin des mystères ayant entouré l'enquête sur Esterhazy. Parmi les signataires et au côté de Zola se trouvent, entre autres, Anatole France, Marcel Proust, Lucien Herr, les frères Daniel et Elie Halévy. Une mobilisation se met en place avec des personnages comme Jean Jaurès, Charles Péguy ou Joseph Reinach. Suivant cet élan et en réaction aux procès de Dreyfus et Zola, Ludovic Trarieux, ancien garde des Sceaux, crée en juin la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen, qui deviendra la Ligue des droits de l'homme. A partir du 10 août, Jaurès publie une série d'articles dans La Petite République : "Les Preuves", dans lesquels il démontre les irrégularités commises depuis 1894 et l'innocence de Dreyfus. Deux jours plus tard, Esterhazy, qui avait lui-même demandé à être jugé, bénéficie d'un non-lieu. Mais le 31, le capitaine Henry avoue avoir confectionné de faux documents pour faire inculper Dreyfus. Il se suicide le lendemain. Trois jours après, Esterhazy s'enfuit en Belgique, puis en Angleterre.

Le conseil de guerre de Rennes rejuge Dreyfus début septembre 1899 et prononce une nouvelle sentence de culpabilité, les juges ayant voulu protéger l'honneur de l'armée. Mais, dix jours plus tard, il est gracié par le président de la République. Le 12 juillet 1906, la Cour de cassation casse l'arrêt du conseil de guerre de Rennes et réhabilite Dreyfus. Le lendemain, la Chambre des députés vote la réintégration de Dreyfus et de Picquart dans les cadres de l'armée, le premier avec le grade de chef d'escadron, le second avec le grade de général de brigade. Le 20 juillet, Dreyfus est fait chevalier de la Légion d'honneur et, le 25 octobre, Picquart est nommé ministre de la Guerre par Georges Clémenceau.

Durant toutes ces années, au-delà de la défense d’Alfred Dreyfus, les nombreux hommes politiques et intellectuels qui l’ont soutenu ont aussi combattu avec force et courage l’antisémitisme.

Alfred Dreyfus
M.-G. Picquart
Emile Zola
Jean Jaurès
Bernard Lazare
Joseph Reinach

Les 14 derniers mois avant l’apocalypse

Le 24 mai 1913, Victoria-Louise de Prusse, fille unique de l’empereur Guillaume II, épouse à Berlin Ernest-Auguste de Hanovre. Si toutes les têtes couronnées d’Europe sont présentes, les deux invités les plus illustres sont, sans conteste, le roi d’Angleterre et le tsar de Russie, tous deux cousins du Kaiser. Guillaume II veut que cette fête se déroule sous le signe de la paix, mais George V est déjà persuadé qu’une guerre est inévitable sur le vieux continent.

Le mariage de Victoria-Louise de Prusse avec Ernest-Auguste de Hanovre

En cette année 1913, la peur ne vient encore que des premiers épisodes de Fantômas adaptés au cinéma par Louis Feuillade. Le Sacre du printemps de Stravinsky est créé par les Ballets russes de Serge de Diaghilev, la chorégraphie de Nijinsky provoquant un véritable scandale. Alain-Fournier publie Le Grand Meaulnes et Marcel Proust, Du côté de chez Swann. Le poète indien Rabîndranâth Tagore reçoit le Prix Nobel de littérature et Henri La Fontaine celui de la paix.

De nombreux évènements se déroulent dans le monde cette année-là :

Mais, c’est en Europe que les inquiétudes du monarque britannique trouvent leur source. La guerre fait rage dans les Balkans où la Serbie, la Bulgarie, la Grèce et le Monténégro s’opposent à l’Empire ottoman.

Le 30 mai, le traité de Londres met fin aux hostilités et la Turquie perd la quasi-totalité de son territoire européen. Le conflit reprend quelques semaines plus tard, mettant la Bulgarie face à la Serbie, à la Grèce et à la Roumanie. Un armistice débouche, mi-juillet, sur le traité de Bucarest. Mais l’alliance russo-bulgare se trouve rompue, laissant la Serbie comme seul allié du Tsar dans la région. Un an plus tard, le soutien total de la Russie à la Serbie lors de la crise de juillet mènera à la Première Guerre mondiale.

Les Balkans en 1878

En ce même mois de juillet 1913, l’armée allemande passe de 621 000 à 820 000 soldats et une convention navale unit l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie pour concentrer des moyens en Méditerranée afin de couper les communications entre la France et ses colonies en cas de conflit.

Bien que Stefan Zweig ait écrit : « Rarement j’ai vécu été plus luxuriant, plus beau, je dirais presque plus estival », fin octobre le Kaiser confie à son chancelier, Leopold von Berchtold, que « la guerre entre l’Est et l’Ouest sera inévitable à la longue. »

L’Histoire, en s’accélérant, va lui donner raison. Au premier semestre de 1914, les militaires et diplomates de plusieurs pays européens se préparent, pour diverses raisons, à de possibles hostilités, soutenus par des politiciens de droite. Certes, personne n’imagine encore que cela pourrait prendre une dimension mondiale. Ce sont plutôt des velléités de conquêtes territoriales, sur le continent ou dans les colonies. Dans le même temps, les politiciens de gauche se liguent pour défendre la paix et refuser l’augmentation des budgets militaires.

Le 28 juin 1914, un jeune nationaliste serbe assassine l’archiduc François-Ferdinand, prince héritier de l’empire austro-hongrois, et son épouse lors d’une visite officielle à Sarajevo. Les Autrichiens sautent sur l’occasion et accusent le gouvernement serbe d’être impliqué dans l’attentat. Le 23 juillet, un ultimatum est adressé aux Serbes. Malgré ses conditions irrecevables, il est accepté en majeure partie. Mais, l’Autriche considérant que les réserves émises correspondent à une fin de non-recevoir et étant assurée du soutien de l’Allemagne, qui de son côté est persuadée que la France et la Russie ne sont pas prêtes pour un conflit, François-Joseph déclare la guerre à la Serbie le 28. Dans les quatre semaines qui suivent, 13 nations se retrouveront face à face, du côté de la Triple Entente ou de la Triple Alliance. Ce sera le début d’une des plus grandes boucheries de l’Histoire et la fin d’une belle époque.

Sources :

Illustrations : Internet

"La dernière valse de l'empereur", de Florian Huber (ARTE)

"La Belle Epoque : la France de 1900 à 1914", de Michel Winock (Ed. Perrin, 2002 et 2003)

www.assemblee-nationale.fr

http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/III_e_R%C3%A9publique/140713

www.affairedreyfus.com

www.persee.fr