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L'association de la généalogie juive 
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Bienvenue chez nos cousins du Birobidjan

Par Gérard XAVIER


La République Autonome Juive du Birobidjan sur le territoire de la Russie

Après la révolution russe de 1917, les Juifs sont reconnus comme une nationalité au sein de l'URSS. Mais, alors que la Constitution fédérale de 1924 prévoit que chaque nationalité doit disposer d’un territoire, les Juifs en sont dépourvus. En 1928, Staline décide de leur en octroyer un en Sibérie orientale, à la frontière nord de la Mandchourie.

L’antisémitisme du « Petit Père des peuples » ne laisse aucun doute sur les raisons qui ont motivé son choix : résolvant ce qui était pudiquement appelé le "problème juif", il peut se débarrasser d’un certain nombre de personnes qui le gênent en les envoyant à plus de 6000 km de Moscou s’installer dans une région revendiquée par le Japon et la Chine.

La création de la République Autonome Juive du Birobidjan

Un foyer de peuplement juif de 36 000 km2 est créé, avec le yiddish comme langue officielle (au détriment de l’hébreu, à connotation religieuse et sioniste). La province est très démunie et loin de tout, mais un vaste mouvement de propagande est lancé, assurant aux Juifs que leurs aspirations nationales pourront s’y épanouir. Les 650 colons juifs qui arrivent en 1928 déchantent rapidement : rien n’est prévu pour se loger ou se nourrir, ni pour démarrer des activités agricoles ou artisanales. D’autres les rejoignent pourtant, attirés par le mirage. Plus de 43 000 personnes s’y installent dans les 10 années qui suivent.

Déclaré « Unité Autonome Juive » en 1931, le Birobidjan est promu « Région Autonome Juive » trois ans plus tard. Durant les premières années, la différence culturelle est encouragée : la vie artistique y est féconde, les écoles juives se multiplient, un théâtre juif est créé et un journal en yiddish (L'étoile du Birobidjan) parait régulièrement. L’agriculture aussi se développe : le kolkhoze Waldheim devient l’un des plus exemplaires de l’Union soviétique.

Mais, les purges de la fin des années 1930 déciment les personnalités les plus motivées du Birobidjan et la naissance du concept de "citoyen soviétique" au cours de la Seconde Guerre mondiale fait sombrer la jeune région dans le délabrement, alors même que de nombreux Juifs sont venus s’y réfugier, fuyant le front de l’Ouest. Comme partout ailleurs en Russie, l’antisémitisme d’Etat y sévit avec virulence de 1947 à 1953. En 1948-1949, bien que la population juive atteignait 30 000 âmes, les écoles et le théâtre sont fermés ; quelques années plus tard, la synagogue est brûlée Toute revendication identitaire ou religieuse passe pour une entreprise contre-révolutionnaire. Ajoutés à l’émigration vers le nouvel Etat d’Israël, ces évènements semblent marquer la fin du Birobidjan.

Un lent renouveau

Les gouvernements Khrouchtchev, puis Brejnev ne font rien pour réactiver le projet. En 1958, Nikita Khrouchtchev déclare même que « la tentative d'établir une république juive a échoué parce que les Juifs étaient indisciplinés et rétifs au travail coopératif ». En 1959, la population juive du Birobidjan n'est plus que de 9% de la population totale, en 1970 elle descend à 6%.

Néanmoins, un décret du Comité central de 1978 autorise à nouveau la culture juive dans la région. Mais le réveil, après plus de deux générations de répression, prend du temps. Il faut attendre l'avènement de la perestroïka et de la glasnost sous Mikhaïl Gorbatchev (à partir de 1985) pour que les fonctionnaires locaux et les militants juifs ressuscitent la spécificité juive de la région, en dépit du fait qu'il n’y reste plus alors que 9.000 personnes.

Nouveau "coup dur" en 1991, lorsque l’émigration des Juifs est autorisée. Au cours des deux premières années, 20% de l'intelligentsia fait ses valises. Puis le rythme des départs se ralentit, aux alentours de 400 familles par an. Mais tout cela a un lourd impact sur l'économie. En 2002, il ne reste que 2327 Juifs sur une population de près de 200000 habitants. Cependant, cela ne veut pas dire grand-chose, car nombre d’habitants non-juifs ont des ancêtres israélites, généralement au niveau des grands-parents.

Depuis 2004, le processus s’est inversé : on compte plus d’arrivées que de départs. Et les signes d’une "renaissance" du Birobidjan sont tangibles : réouverture d’écoles et création d’une école du dimanche, mise en place d’une université nationale juive, de clubs de jeunes et du troisième âge, d’une troupe de danse, d’un théâtre juif, d’une chorale et d’un festival de la culture juive... L’Etoile du Birobidjan existe toujours, même si le journal est maintenant en russe et n’offre plus que quatre pages en yiddish. Ce qui n’a plus une grande importance, car rares sont ceux qui parlent encore cette langue, les habitants ayant pris conscience qu'une éducation exclusivement en yiddish n'avait guère de sens quand l'enseignement supérieur et les différents emplois exigent la maîtrise du russe. Pourtant, là encore, les choses changent : l’apprentissage du yiddish se multiplie dans les écoles de la région, même pour les enfants qui ne sont pas de confession israélite.

Quant à la revendication des racines, elle n’a plus grand chose à voir avec l’adhésion à un culte. Lorsqu’il est arrivé d’Israël en 2004 avec sa femme et ses enfants, le rabbin Mordechaï Scheiner s’est retrouvé face à une communauté laminée par soixante-dix ans de communisme et d'athéisme combattant. Issu d’une famille ultra-orthodoxe qui avait fui l’Union Soviétique en 1967, il a dû revoir les méthodes traditionnelles de prosélytisme devant le gouffre culturel auquel il était confronté. Il a donc lancé une émission hebdomadaire à la télévision locale, pour parler folklore et cuisine juive, et supervise la publication d’un livre de contes inspirés du Talmud ainsi que d’un recueil de blagues juives. Lors d’une interview, il a précisé qu’il n’y avait pas d’antisémitisme dans la région.

« Nous sommes en train d'essayer de réaliser ce qui n'avait jamais vraiment réussi », explique Valéri Gourevitch, vice-gouverneur de la région autonome. « Nous ne voulons pas fonder une alternative à Israël. Nous voulons être une terre où juifs et non-juifs puissent vivre ensemble confortablement, et un foyer de culture juive en Extrême-Orient. »

Une région tournée vers l’avenir

Birobidjan, capitale de la Région Autonome Juive qui porte le même nom, ressemble aux autres cités de l'Extrême-Orient russe : immeubles de cinq à six étages en brique grise, chalets de bois aux volets de couleurs vives, nombreux espaces verts. Le tour de la ville se fait à pied en moins d'une heure. A la descente du Transsibérien, le nom de la gare est écrit en russe et en yiddish, un chandelier à sept branches est planté très haut sur la place centrale et l’avenue principale de la ville s’appelle encore «Scholem-Aleichem», du nom du grand écrivain yiddish. On trouve deux synagogues : la première, grande et vaste, est accolée à un centre culturel et une association de bienfaisance ; la seconde est une isba des années 1940. Il y en avait une troisième, plus ancienne, mais elle a brûlé.

La place centrale de la ville de Birobidjan

La place centrale de la ville de Birobidjan

Si la ville semble figée dans le passé, la région est sans conteste tournée vers l’avenir. La principale préoccupation des habitants n’est pas d’ordre spirituel, mais économique. Bien que recevant des fonds israéliens et américains, ils rêvent d’échanges : tous les regards sont maintenant dirigés vers la Chine voisine, que l’on craint et admire. « On leur donne en location des terres agricoles, 16 % de toutes les surfaces disponibles actuellement, car on ne peut plus humainement les exploiter, en raison de la baisse de la population », explique Monsieur Gourevitch. Près de 4000 travailleurs chinois viennent chaque année servir de main-d’œuvre bon marché pour transformer le bois, travailler la terre ou participer à des chantiers. La grande paranoïa des années 1990, due à l’arrivée massive de vendeurs chinois sur les marchés avec des produits textiles de piètre qualité, est retombée. Le gouvernement a renforcé les contrôles, restreint les importations, interdit les échoppes sauvages. Et un projet suscite toutes les espérances : un pont, le premier du genre, devrait enjamber le fleuve Amour avant la fin de 2012.

Les médias internationaux ont largement parlé du Birobidjan, principalement depuis 2002. Marek Halter a produit un documentaire diffusé sur France 5 : « Birobidjan, Birobidjan ! ». Il a aussi écrit récemment un livre : « L’inconnue de Birobidjan ».

Sources

Journaux et magazines :

  • Libération, édition du 07/07/1995 : « Le réveil des juifs oubliés du fleuve Amour : le Birobidjan, région autonome de la Fédération russe, renoue avec le yiddish et ses racines », par Puel Carolinespirin Pavel
  • Libération, édition du 08/11/2004 : « Les revenants du Birobidjan », par Millot Lorraine
  • Le Monde, édition du 29/07/2009 : « Visite au cœur du Birobidjan, la République Autonome Juive de Russie », par Piotr Smolar
  • Libération, édition du 27/01/2012 : « Le Birobidjan, république juive de Staline », par Annette Lévy-Willard
  • Paris-Match, édition du 30/01/2012 : « Birobidjan : dans l’Etat yiddish de Staline », par Marek Halter

Radio et télévisions :

Sites internet :


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