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L'association de la généalogie juive
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À la fin de l’occupation de Vienne par les troupes ottomanes, en 1683,
nos papilles seraient redevables de deux spécialités boulangères :
le croissant de nos petits-déjeuners et… le bagel!
Si la légende attachée au croissant semble assez connue,
il n’en va pas de même l’anneau, très prisé en Amérique du Nord.
Pour mémoire, rappelons qu’au moins deux versions légendaires entourent
la création du croissant : l’une l’attribue à un cabaretier et l’autre,
à un boulanger, qui chacun aurait surpris à potron-minet les Turcs lever
le siège de la ville et inventé cette viennoiserie en forme de croissant
de lune pour marquer la libération de leur cité.
Quant au bagel, ce serait à un boulanger de Cracovie que nous le devrions.
Pour libérer l’Autriche et l’Europe chrétienne du joug du calife,
Jean III Sobieski, roi de l’Union de Pologne-Lituanie,
partit à l’assaut de Vienne avec ses cavaliers et 81 000 soldats.
Il repoussa les 130 000 assiégeurs dans les limites de leur Empire et,
pour remercier celui que l’on surnomma le « sauveur de Vienne
et de la civilisation européenne de l’Est », un boulanger
de la capitale polonaise lui dédia un pain.
Une fois encore, la légende s’en mêle voulant que le mitron cracovien fût d’origine juive
et qu’il ait voulu remercier le roi d’avoir protégé ses coreligionnaires
des exactions turques. Et le boulanger en question de donner à son pain
l’aspect d’un étrier, car son héros était connu comme un fin chevalier
qui s’adonnait volontiers à l’équitation.
Dans la langue qui se parlait alors en Europe de l’Est, étrier se disait bügel
et beguel (prononcez bè-geule), du yiddish ???? « beygl », dans le schtetel.
Et en fait d’étrier, la pâte au levain naturel prit la forme d’un cercle
et l’anneau, cuit à l’eau puis au four, suivit la plupart des communautés
ashkénaze qui fuirent les pogroms, la misère et l’antisémitisme.
Le bagel franchit les mers et, outre-Atlantique, s’imposa comme
une spécialité tant à New York qu’à Montréal, donnant lieu à une rivalité
comparable à celle du pastrami par rapport au smoked meat et qui,
dans les deux cas, perdure.
À Montréal, où l’Office québécois de la langue française recommande
le terme « baguel », on doit à Isadore Shlafman les premiers bagels.
Installée sur « La Main » – le boulevard Saint-Laurent
qui partage de manière symbolique et toponymique la ville entre l’Est et l’Ouest
–, en 1919, puis sur la rue Fairmount en 1949,
la Fairmount Bagel est la plus ancienne boulangerie de bagels montréalais.
Aujourd’hui encore aux mains de la famille Shlafman, elle a ses adaptes
qui ne veulent en aucun cas entendre parler de la St-Viateur Bagel,
fondée par Hyman Selikman et Meyer Lewkowicz, en 1957,
rachetée depuis par un Italien de Montréal, Joe Morena.
Querelle de clocher – ou plutôt de schül!–, les deux établissements
qui ont pignon sur rue dans le même quartier – le Mile End,
aux allures de Mea Sharim en raison de la forte communauté orthodoxe
qui y vit – perpétuent une tradition artisanale et une rivalité
qui font du bagel un des symboles de Montréal et l’opposent à celui de New York.
Entre les deux, la différence tiendrait aux ingrédients et aux modes de cuisson.
En premier lieu, la farine. Celle du Canada est plus forte et contient davantage
de protéines qu’aux Etats-Unis, ce qui confère une plus grande élasticité
à la boulange. Une fois la pâte pétrie dans les malaxeurs, les bagels
sont façonnés à la main, puis plongés dans l’eau bouillante.
À Montréal, l’eau est légèrement sucrée (au sucre ou au miel),
tandis qu’elle est salée à New York. Au naturel ou parsemés de graines de sésame,
de pavot ou de cumin, les rondelles ébouillantées terminent de cuire dans un four
à bois pendant 15 minutes.
D’autres ingrédients, comme du malt, des œufs, de l’huile peuvent être ajoutés
à la pâte, ainsi que des agents de conservation pour les bagels industriels.
Les garnitures sont aussi à l’avenant, allant des pépites de chocolat
à l’ail en passant par les raisins secs, l’oignon frit et toutes sortes d’aromates.
Cela dit, une des meilleures façons d’apprécier les bagels consiste
à les servir avec du saumon fumé à la manière montréalaise.
C’est-à-dire coupé en deux, passé au gril légèrement,
tartiné de fromage à la crème (du Philadelphia ou du St-Morêt),
recouvert d’une belle tranche de saumon fumé tranchée à la main
(de préférence), puis garni d’une marinade d’oignon aux câpres*.
Un petit coup de blanc ou de vodka, et vous m’en direz des (bonnes) nouvelles!
* Peler un oignon, puis le couper en fines rondelles dans un bol.
Ajouter les câpres et leur jus, ainsi qu’une petite cuillère de sucre en poudre.
Si nécessaire, allonger avec du vinaigre blanc uniquement,
pour recouvrir tous les ingrédients. On peut aussi mettre un peu de thym.
Mélanger le tout et laisser macérer, en remuant de temps en temps,
au moins une demi-journée avant de servir. Chacun égouttera ses oignons et câpres
qui accompagneront son bagel au saumon.
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