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L'association de la généalogie juive 
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L'Assemblée des notables (1806-1807)

Par Françoise JOB

Il y a deux cents ans, le 7 mars 1806, Napoléon annonçait la convocation d’une Assemblée des notables juifs de l’Empire dans le but de les consulter sur les moyens de régénérer leurs coreligionnaires. En réalité, la décision était motivée par le désir de résoudre le problème du prêt à intérêt en Alsace au sujet duquel l’Empereur avait reçu des plaintes véhémentes. Un décret du 30 mai 1806 accordait un sursis d’un an aux débiteurs des juifs en Alsace et convoquait à Paris une assemblée de notables à choisir par les préfets « parmi les rabbins, les propriétaires et les autres juifs les plus distingués par leur probité et leurs lumières ». Après une enquête sommaire, les préfets avaient procédé aux nominations, de façon arbitraire, selon des critères de fortune, de réputation et de loyalisme politique. Fonctions onéreuses pour les candidats que certains durent abandonner faute de temps à leur consacrer et de ressources suffisantes.

L’assemblée réunit 111 notables, dont 27 transalpins et 15 originaires d’Outre-Rhin, de 36 départements de l’Empire. Le nombre des députés n’est pas proportionnel à la population juive des régions qu’ils représentent. L’assemblée est essentiellement laïque, le nombre des rabbins n’étant que de 15, soit 8 Italiens, 6 Alsaciens, le rabbin de Coblence et celui résidant à Saint-Esprit (près de Bayonne). Les membres de l’assemblée se divisaient en deux tendances : les « Portugais », assimilés, partisans de l’intégration dans la patrie française, conduits par le Bordelais Abraham Furtado ; et les ashkénazes de l’est, autour du rabbin alsacien David Sintzheim. Deux personnalités fort différentes : Furtado, né en 1756, laïc, avait un passé de militant en faveur de la Révolution et était partisan d’une évolution de la situation des juifs en France ; et le très érudit rabbin Sintzheim, né en 1745, ouvert certes mais plus traditionaliste. Par 62 voix contre 32, les notables élurent pour président Abraham Furtado. C’était aller dans les sens des idées de l’empereur. Le Niçois Isaac Avigdor et le « Portugais » de Paris, Rodrigue fils, furent élus secrétaires, tandis que les scrutateurs furent les Parisiens Théodore Cerf-Berr et Olry Hayem Worms et l’Italien Emile Vitta. Les réunions eurent lieu dans une chapelle désaffectée derrière l’Hôtel de Ville, la salle Saint-Jean.


Liste des notables proposés par le département du Haut-Rhin

L’empereur avait nommé trois commissaires, jeunes maîtres de requêtes, le comte Molé connu pour son hostilité à l’égard des juifs, Portalis fils et Pasquier, dont le rôle était de servir d’intermédiaires entre l’assemblée et le ministre de l’Intérieur, Champagny.

Les notables avaient à répondre à douze questions. Les trois premières sur la compatibilité entre la tradition rabbinique et le Code civil en matière matrimoniale ; les trois suivantes sur l’attachement des juifs à la patrie française et leur attitude envers leurs concitoyens non juifs ; les trois dernières questions étaient relatives aux rabbins et au prêt à intérêt.

L’assemblée répondit avec enthousiasme sur l’amour de la patrie, sans réticence sur l’acceptation du droit commun ; elle condamna l’usure mais fut davantage nuancée sur les mariages mixtes, souhaités par Napoléon comme facteur d’assimilation, en affirmant qu’ils n’étaient pas interdits mais pas plus conseillés par les rabbins que par les prêtres catholiques. Le ministre se déclara satisfait ; les commissaires furent plus réticents, ayant conscience que l’assemblée était constituée « des notables les plus polis, les plus adroits », pas vraiment représentatifs des nations juives. Tel fut aussi l’avis de l’empereur qui décida de donner aux déclarations de l’assemblée une sanction religieuse plus solennelle.

C’est pourquoi, il conçut le projet de convoquer un Grand Sanhédrin composé comme jadis à Jérusalem de 71 membres, des rabbins pour environ les deux tiers d’entre eux (45 rabbins et 26 laïcs).Le Sanhédrin tint sa première séance dans la même salle Saint-Jean, le 08 février 1807 et fut dissous exactement un mois plus tard à l’issue de sa huitième séance.

L’Assemblée des notables, pendant ce temps, poursuivait ses travaux mais dans un climat difficile et bruyant, selon Furtado. Il n’est pas inutile de rappeler que les discours devaient être traduits en plusieurs langues pour être compris de tous : en français, en allemand parfois, deux fois en hébreu, avec « l’accent » italien » et « l’accent allemand ». Dès l’automne 1806, une commission de neuf membres avait été élue, dominée par Furtado et Berr Isaac Berr. Le 10 décembre 1806, elle donna un avis favorable au règlement cultuel présenté par les commissaires qui prévoyait une organisation pyramidale et une hiérarchie étrangères à la tradition juive. Les notables ont accepté la conscription mais prudemment laissé à l’Empereur le soin de légiférer sur le problème de l’usure. La solution consistait en la réorganisation du crédit qu’une loi de 1807 réglementa. Sa tâche remplie, l’assemblée fut dissoute le 06 avril 1807, après avoir siégé dix mois.

De son côté le Sanhédrin avait entériné les conclusions de l’assemblée en reconnaissant que la soumission aux lois de l’Etat, en matière civile et religieuse, était un devoir religieux ; que les mariages mixtes, valables civilement, ne pourraient susciter aucun anathème ; que la notion de patrie était chère aux juifs et que l’abandon des professions utiles relevait de vicissitudes historiques et non pas de préceptes religieux.

La mise au point des réformes n’entra en vigueur que l’année suivante avec l’organisation des consistoires, « le décret infâme » contre l’usure, et le 20 juillet 1808 l’obligation de la fixation des noms et prénoms.

Le clin d’œil généalogique

Hershel Bloch (ca.1766-1830), cultivateur à Diebolsheim (Alsace), époux de Reissel Sée de Bergheim, l’héroïne de la période révolutionnaire, a été appelé à l’Assemblée des notables. Une de ses filles, Jeannette, épousa David Weyl de Benfeld (Alsace). Leur fils Léon, époux de Babette Weil d’Epfig, fut le père de René Weyl de Benfeld, mon grand-père maternel.


Du même auteur : Jacob Brisac, député lunévillois à l’Assemblée des notables (1806-1807) dans Archives juives, 14, 1978, p.11.