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Exemple de conte traditionnel

En judéo-espagnol

par Gérard Galtier [1]

 

Le conte ci-dessous, fut recueilli par Cynthia Crews en 1935 à Salonique auprès de Tia Merou Lévy de Gategno. Il a été publié deux fois, avec deux transcriptions différentes. Une première fois dans la revue Le Judaïsme séphardi, nouvelle série, n° 7, juin 1955 (p. 295). Une seconde fois dans les "Textos Judeo-españoles de Salónica y Sarajevo" de Cynthia Crews, publiés dans Estudios sefardíes, vol. 2, CSIC, Madrid, 1979 (pp. 122-123). Nous utilisons une nouvelle fois le même texte pour illustrer l'orthographe que nous proposons.

El shastre y el khakham

Dizen qu'eran buenos d'un shastre. Este shastre, un dîa d'enverano, stava mucha la calor, y se salió al curtijo. Mitió el tezyah ayî al curtijo y s'assentó a cusir, el y las ninyas shastras.

En súpito passó un khakham de por ayî que vino de Yerushaláyim. Lo vido al shastre en el curtijo y le disho :
— Shalom !
Le disho el shastre :
— Pico !
El khakham quedó encantado. Que quierîa dezir esta palavra ? Le disho otra vez :
— Shalom !
— Tijera !
El khakham otra vez s'encantó de sentir "tijera". Le disho otra vez :
— Shalom !
— Aguja !
El khakham otra vez s'encantó. Le disho otra vez :
— Shalom !
— Dedal !
— Bre ! pensó el khakham
– Onde no sto entendiendo las palavras yo, cale que este save mas mucho meldar de mi.

El khakham le mitió la mano a la caveça del shastre, y le disho :
— Irasson, las cuatro letras de la alefbé que te se afirmen.
Le disho el shastre :
— Que son las cuatro letras ?
Le disho el khakham :
— La Alef es "Azlakhah que tengas". La Be es "Berakhah que tengas". La Ghîmel es "Ghimilut khassidim". La Dálet es "Divré Torah que tengas".
El shastre disho :
— No me plazen a mi estas letras. Yo quiero las cuatro letras d'atrás.
— Que son las cuatro letras d'atrás ?
— Qof ; Resh ; Shin ; Tav.
— Y que quieren dezir ? le disho el khakham.
Disho el shastre :
— la Qof es "corta" ; la Resh es "ropa" ; la Shin "sovra" ; la Tav "toma". Corta ropa, sovra toma !

Traduction en français

Le tailleur et le rabbin

Il était une fois un tailleur.

Un jour d'été, comme il faisait très chaud, ce tailleur alla s'asseoir dans la cour. Il mit sa table de travail là dans la cour et il s'assit pour coudre, avec sa marmaille de petites couturières.

Tout à coup, passa un rabbin de par là-bas, qui venait de Jérusalem. Il vit le tailleur dans la cour, et il lui dit :
— Shalom !
Le tailleur lui dit :
— Aune de drap !
Le rabbin resta interdit. Que voulait dire cette parole ? Il lui dit une nouvelle fois :
— Shalom !
— Ciseaux !
Le rabbin, de nouveau, fut stupéfait d'entendre "ciseaux". Il lui dit une nouvelle fois :
— Shalom !
— Aiguille !
Le rabbin fut encore une fois rempli de stupeur, et il répéta au tailleur :
— Shalom !
— Dé à coudre !
— Bigre ! pensa le rabbin. Si moi je ne comprends pas les paroles de cet homme, il faut alors qu'il connaisse beaucoup mieux les écritures que moi.

Le rabbin posa sa main sur la tête du tailleur, et il lui dit :
— Par la volonté de Dieu, que les quatre lettres de l'alphabet s'impriment en toi.
Le tailleur lui dit :
— Quelles sont ces quatre lettres ?
Le rabbin lui dit :
— Le Alef est "Que tu connaisses le succès" (Azlakhah). Le Bet est "Que tu sois béni" (Berakhah). Le Ghimel est "Œuvres de charité" (Ghimilut). Le Dalet est "Que tu possèdes les paroles de la Torah" (Divré).
Le tailleur dit :
— Quant à moi, ces lettres ne me plaisent pas. Ce sont les quatre lettres de derrière que j'aime.
— Quelles sont ces quatre lettres de derrière ?
— Qof ; Resh ; Shin ; Tav.
— Et que veulent-elles dire ? lui dit le rabbin.
Le tailleur répondit :
— Le Qof est "coupe" ; le Resh est "tissu" ; le Shin est "surplus" ; le Tav est "prends". Coupe le tissu, prends le surplus !