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Translittérations d’un nom écrit en cyrillique

Par Benoît Gherchanoc - Extrait de GenAmi n° 28

D’aussi loin que je me souvienne, à l’énoncé de mon nom (à entendre phonétiquement comme guerchanoc), les gens me demandent : « Vous êtes breton ? ». J’ai fini par répondre : « Oui, de l’Orient ». Comprenne qui voudra.

Les différentes orthographes

En fait, l’orthographe officielle est Gherchanoc. Cependant, un de mes oncles écrivait ce nom Guersanoc et une de mes tantes se nommait Guerchanok. Cette dernière écriture correspond le mieux à une translittération française.
Des recherches sur Internet avec la forme Gherchanoc, ou l’une des deux autres formes, m’ont donné à croire qu’il n’existait pas d’autres exemples de ce nom. C’est en faisant des recherches de noms de famille sur Jewishgen que j’ai compris que les Américains utilisaient une autre translittération (forcément !). En écrivant ce nom sous la forme américaine Gershanok, et en faisant une recherche sur Internet, j’ai eu des réponses tant aux Etats-Unis qu’en Russie. Il existait une quinzaine de références différentes.
Comment expliquer les différentes écritures du nom dans ma famille ? Mon père, qui était le plus jeune, et sa fratrie, sont nés avant 1918 à Kichinev (Bessarabie, russe à l’époque). Après 1918, la Bessarabie, qui est la Moldavie du sud, est devenue roumaine. Kichinev est devenue Chisinau (où le s français vient du s cédille roumain qui donne notre son ch, tandis que le ch français venu du ch roumain est à entendre comme un k). Bien entendu, à partir de 1918, les noms écrits en cyrillique ont été romanisés. Ainsi, le nom de famille russe est devenu en roumain Ghersanoc, où gh est le son gue latin, le s prenait une cédille, le c final étant le k.
Quand mon oncle est arrivé en France, il a transformé le Gh initial en Gu et le s cédille en simple s de notre alphabet : Guersanoc. Mon père a gardé le Gh initial, mais il a transformé le s cédille en ch : Gherchanoc.

Origine du nom

Nous en revenons à la question de trouver l’origine de ce nom. Mon père disait que Gherch (gersh américain) était zvi (cerf en hébreu) et que anoc signifiait grand. Cette dernière affirmation m’étonnait. J’ai découvert depuis que le mot hébreu anake désigne un géant, mais cela ne m’a pas satisfait.
Depuis, j’ai vu le livre d’Alexandre Beider sur les noms juifs de l’empire russe. Dans les explications préliminaires sur ces noms on découvre que anok est un suffixe de russification de nom, au même titre que enko est un suffixe d’ukrainisation. C’est, me semble-t-il, plus vraisemblable. Il reste la question du Gherch. La consultation de l’ouvrage de Beider renvoie à Ghirsh, dont les premières trace se trouveraient à Riga (Lettonie). L’un de mes oncles maternels m’a appris, sur le tard, que ma famille paternelle avait lentement migré de Riga vers Kichinev, en passant par la Biélorussie. Mais c‘est une autre histoire. Avant de continuer, il faut savoir que notre h aspiré, comme dans le mot héros devient un gue en russe. Ainsi héros se dit guéroï en russe (accent tonique sur la seconde syllabe). Par conséquent le Girsh est en fait le Hirsch yiddich ou allemand, c’est à dire Cerf.
Enfin on sait que Hirsch est un équivalent du nom Naphtali (voir GenAmi n°25 : La famille Cerf de Mittelbronn, p.4 et dans GenAmi n°26 : Prénoms juifs d’animaux, p. 15). Hirsch est un kinouï (mot hébreu signifiant surnom) ou un nom en langue vernaculaire, dont le nom correspondant en langue sacrée (chem kodech) est Naphtali.